La première mission de retour d’échantillons de Mars se déroule sur les deux créneaux de lancement de 2003 et 2005 et s’achève en 2008 avec le retour de la capsule d’échantillons sur Terre. Le compte à rebours va bientôt démarrer !
2003 : Mars Sample Collection
En 2003, une fusée de type Delta III décolle de Cap Kennedy avec à son bord une charge utile de près de 2 tonnes constituant le premier véhicule qui assurera la collecte des échantillons. Après 11 mois de croisière, la sonde effectue une rentrée hypersonique dans l’atmosphère de Mars freinée par son bouclier thermique. Après passage en mode subsonique, des parachutes ralentissent sa descente, et le bouclier est alors largué. La phase finale de descente est pilotée à l’aide de rétrofusées couplées à un altimètre et l’atterrissage a lieu en douceur. L’atterrisseur renferme à son bord un astromobile de collecte de la classe 50 kg et le MAV (Mars Ascent Vehicle), petite fusée de remontée du sol de Mars vers l’orbite. La rampe de débarquement est alors déployée et l’astromobile effectue sa descente sur le sol martien. Cet astromobile est équipé de divers instruments d’analyse afin d’effectuer une collecte "intelligente" d’échantillons. En particulier, il possède une foreuse lui permettant d’acquérir des petites carottes de roche de 1 à 2 cm de longueur ce qui permet de récupérer du matériau martien non altéré par l’atmosphère et l’eau.
L’astromobile effectue des boucles successives de dimensions croissantes autour de l’atterrisseur et rapporte à chaque fois les échantillons collectés dans le conteneur au sommet du MAV. Le conteneur est conçu à partir de deux enveloppes dont seule l’enveloppe externe est en contact avec le sol martien. Parallèlement, un système de forage profond (1 - 2 mètres) est activé ; les échantillons prélevés sont analysés immédiatement et placés dans le conteneur sur le MAV afin d’être rapportés sur Terre. Quand cette phase de collecte de plusieurs mois est achevée, le MAV est érigé sur l’atterrisseur et mis à feu. Cette petite fusée de 120 kg à trois étages à poudre permet de placer sur une orbite circulaire à 600 km d’altitude le conteneur d’échantillons de 3,6 kg contenant entre 200 et 500 g du précieux matériau. Lors du largage du conteneur en orbite, l’enveloppe externe est abandonnée avec le troisième étage du MAV. Le conteneur en orbite est équipé d’un émetteur radio destiné à la détermination des paramètres de son orbite ainsi qu’au suivi de son évolution. Il est en effet prévu que le conteneur reste en orbite 2 années avant d’être récupéré.
2005 : Mars Sample Collection & Mars Sample Return
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En août 2005, le lanceur Ariane 5 équipé de l’ESC-A (Etage Supérieur Cryogénique) décolle du Centre Spatial Guyanais avec à son bord une charge utile de 5,2 tonnes. Cette mission conjointe NASA/CNES comprend un atterrisseur identique à celui de 2003, l’orbiteur fourni par le CNES qui a pour fonction de rapporter les premiers échantillons de la planète rouge et les quatre petites stations géophysiques Netlander fixées sur le module de croisière de l’orbiteur. L’orbiteur et l’atterrisseur effectuent la croisière Terre-Mars de façon indépendante ayant chacun leur étage de transfert.
Vers juillet 2006, les deux véhicules arrivent sur Mars. L’atterrisseur effectue une rentrée atmosphérique directe et les opérations au sol sont identiques à celles effectuées deux années plus tôt avec l’atterrisseur de 2003. Quelques semaines avant l’arrivée de l’orbiteur, celui-ci largue successivement les quatre stations Netlander qui effectuent indépendamment une rentrée atmosphérique directe sur des sites répartis sur l’ensemble de la planète. Les stations atterrissent sous parachute et coussin gonflable. Après stabilisation, le coussin est largué. La station déploie ses panneaux solaires ainsi qu’un mât supportant l’antenne de communication et la caméra panoramique. Enfin, le sismomètre est libéré mécaniquement de la station pour se poser au sol et commencer ainsi ses mesures.
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Pendant ce temps, l’orbiteur doit réaliser l’une des phases les plus critiques de sa mission : la mise en orbite par aérocapture. Il effectue pour cela un passage atmosphérique piloté automatiquement. Il intègre pour ce faire, en temps réel, la décélération subie et ajuste la valeur de cette décélération à la valeur calculée. Il descend ainsi au plus bas à environ 40-50 km d’altitude pour ensuite ressortir sur une orbite elliptique d’environ 1 500 km d’apoastre. Sur cette première orbite, il doit successivement larguer son bouclier, déterminer son attitude et allumer son moteur chimique à l’apoastre afin de remonter le périastre à environ 200 km.
Ensuite, depuis cette orbite, l’orbiteur a pour mission de rechercher le conteneur de 2003, le localiser avec son récepteur radio. Cette localisation a déjà été préparée par l’orbiteur Mars Express qui est autour de Mars depuis deux années. Dès que les paramètres d’orbite du conteneur sont déterminés, l’orbiteur effectue des manœuvres successives afin de se placer tout d’abord sur le même plan d’orbite, puis d’aligner la ligne des nœuds et enfin de se circulariser sur la même orbite. De quelques milliers de kilomètres de distance jusqu’à 2 km, la navigation de l’orbiteur est pilotée depuis la Terre. A partir de 2 km, la phase finale de rendez-vous se déroule de façon automatique : un signal laser permet de connaître la position relative du conteneur et de piloter en conséquence l’orbiteur jusqu’au rendez-vous final. Le conteneur est alors absorbé dans un cône-guide pour être transféré mécaniquement dans la capsule de retour. Cette phase de capture du premier conteneur peut durer environ 6 mois.
Fin 2006, après que l’astromobile de 2005 ait achevé sa collecte d’échantillons, ordre est donné de mettre à feu le MAV. Ce deuxième conteneur doit être placé sur une orbite voisine du premier à quelques degrés d’inclinaison près et quelques centaines de km d’altitude (ces écarts sont dus à la fois aux différences de latitude des sites d’atterrissage choisis et aux incertitudes de performance du propulseur à propergol solide). Immédiatement, l’orbiteur doit rechercher le conteneur, déterminer son orbite et le capturer suivant un scénario identique au précédent en 4 à 5 mois.
En juillet 2007, l’orbiteur entame le trajet de retour tout d’abord par un allongement de son orbite puis par son injection sur la trajectoire Mars-Terre.
Une fois prise la décision de retour des échantillons, l’orbiteur effectue une manœuvre afin de se placer en trajectoire de rentrée et largue la capsule contenant les deux conteneurs. Ensuite, une seconde manœuvre place l’orbiteur sur une trajectoire d’évitement de la Terre. En cas de problèmes pendant le retour, la trajectoire choisie évitant la Terre, l’orbiteur et les échantillons iront se perdre dans l’espace interplanétaire.
La capsule effectue ensuite une rentrée directe et balistique à une vitesse de 11,5 km/s. Le concept de la capsule, qui doit être le plus simple possible afin d’éviter tout échec pendant la rentrée et garantir toute absence de pollution atmosphérique, ne possède pas de parachute (considéré comme un point de panne possible). Un matériau déformable doit amortir le choc subi par les conteneurs à l’impact (ils sont en effet qualifiés pour subir une décélération équivalente à quelques centaines de fois la pesanteur terrestre). L’atterrissage a lieu sur terre (et non en mer) dans le désert de l’Utah en mai 2008. Arrivée sur terre, la capsule est équipée d’une balise radio afin d’être retrouvée et récupérée le plus rapidement possible. Elle est ensuite immédiatement transférée dans un centre de quarantaine en vue de tester l’éventuelle toxicité des matériaux martiens.
Francis Rocard thématicien système solaire, CNES
CNES Magazine n°5